Le Conseil départemental de Mayotte

Située au nord du canal du Mozambique dans l’archipel des Comores, l’île de Mayotte avec son lagon de 1500 km² classé en aire marine protégée, un des plus grands du monde, et ses milieux terrestres fait partie de ces hauts lieux auquel la préservation de la diversité floristique et faunistique est un enjeu majeur.

Depuis plusieurs années, le Conseil Départemental de Mayotte (CDM) met en œuvre des moyens pour la conservation des espaces naturels qui abritent diverses espèces exceptionnelles, telles que les tortues marines. Cet engagement a pris forme à partir de 1993, où les actions publiques se concentraient encore autour des structures de l’état, avec la mise en place d’équipes en charge de suivi des tortues et de la surveillance nocturne en continue à partir de 1998 à Grande Sazilé et Moya.

L’extension des lois de décentralisation à Mayotte en 2004, s’est notamment traduite par le transfert de la compétence environnementale vers le Conseil départemental.

Ainsi, à partir de 2006, le CDM s’est engagée à gérer les sites du Conservatoire du littoral à travers une convention cadre, qui a été renouvelée en 2017 pour une durée de 6 ans.

Les plages de Mayotte accueillent deux espèces de tortues marines : majoritairement la tortue verte (Chelonia mydas) et la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata). Les principaux sites de pontes sont Moya et Saziley-Charifou. La particularité notable à Mayotte est que les tortues vertes viennent toute l’année sur les plages, avec un pic des montées de mars à août ; alors que la saison de ponte des tortues imbriquées est de fin août à mi-mai.

Très menacée au niveau mondial, la tortue verte est considérée en danger par l’UICN, alors que la tortue imbriquée est classée en danger critique d’extinction. Toutes les espèces de tortues marines sont protégées par l’arrêté ministériel du 14/10/2005 et en complément à Mayotte par l’arrêté préfectoral N°361/DEAL/SEPR/2018.

Les programmes scientifiques ont débuté en 1993 avec des comptages de traces sur diverses plages. En 1994, un bilan de fréquentation des plages fut effectué par Jacques Fretey (UICN) qui a mis en place le programme de marquage par bague Monel appliqué jusqu’en 2018 par les agents du CDM.

A compté de 1997, les partenariats avec l’UICN, l’IFREMER et la DAF ont permis de poser les 1ères balises Argos. De 2002 à 2006, d’autres balises Argos furent posées sur des tortues marines en début de saison de ponte, par le biais des conventions avec le CEDTM-IFREMER/DAF, démontrant que les femelles revenaient fidèlement sur leur zone de ponte, mais aussi leurs trajectoires post saison de ponte et leur aire d’alimentation, majoritairement sur la côte est africaine.

La convention entre le CEDTM-IFREMER, DEAL et CDM a permis de renouveler l’expérimentation en juillet 2011 pour la saison sèche et janvier 2012 pour la saison humide, associé à des biopsies.

Ces partenariats ont mis en place un programme de comptage de traces par survol en ULM de 2003 à 2008 sur 172 plages répertoriées à l’époque.  Grâce à ces survols, l’ex-Observatoire des Tortues Marines du CDM a mis à jour la cartographie des plages en référençant alors 200 plages. A partir de 2007 jusqu’à 2017, des inspections diurnes sur le terrain tous les 15 jours d’une cinquantaine de plages ont fortement contribué aux connaissances de fréquentations et des menaces.

Conscient des enjeux de préservation de ces espèces, le Conseil Départemental a assuré, depuis mars 2006, la continuité de ces actions de préservation en mettant les moyens et en continuant  le déploiement des équipes d’agents sur diverses plages pour mener des actions de surveillances dissuasives contre le braconnage, de suivi individuel des femelles, de suivi des sites de pontes et de sensibilisation de la population.

Depuis 2018, les équipes sont concentrées sur 3 sites : à Moya en permanence depuis 1998 où 13 agents organisés en équipes de 3 à 4 agents se relèvent tous les jours, et une présence régulière au sud-est (5 agents) et au sud-ouest (4 agents).

Les données collectées permettent d’améliorer la connaissance sur la répartition de ces espèces et l’évolution de leur population sur ces plages. Sur les 172 plages survolées, les 3/4 ont été fréquentées au moins une fois par les tortues marines dont une cinquantaine sont fortement fréquentées. A Moya1, c’est une moyenne de 2251,8 montées par an (données 2001 à 2015) ; sachant qu’une femelle vient sur la plage réaliser en moyenne 3,03 pontes (Bourjea et Al. 2007), c’est entre 500 et 700 femelles qui viennent chaque année sur cette plage.

En perspective, le CDM transfèrera ses données dans la base régionale TORSOOI afin d’étendre leur valorisation.

Afin de suivre le recensement des échouages de tortues en détresse ou mortes, le CDM est un membre fondateur depuis 2010 du REMMAT (Réseau Echouage Mahorais MAmmifères marins et Tortues 0639 69 41 41), officialisé en juin 2011.

La participation active à ce réseau permet un fort partenariat avec plusieurs structures administratives ou associatives, telles que l’Office Français de la Biodiversité (PNMM et SD), la DEAL, l’association Oulanga na nyamba, pour une meilleure prise en compte de la problématique de préservation des tortues sur le territoire face à l’augmentation des actes de braconnage et autres menaces.

Le CDM est un acteur référent au sein du Comité de suivi du Plan National d’Action (PNA 2015-2020) en faveur des tortues marines rédigé depuis 2013.

Suite à l’expérimentation pilote à Europa du programme pIOT, 10 balises seront posées sur des juvéniles Chelonia mydas et/ou Eretmochelys imbricata à Mayotte en 2021 en partenariat avec IFREMER et les acteurs de Mayotte (CDM, Parc Naturel Marin de Mayotte et Oulanga na Nyamba) dans le cadre du projet IOT.

Après la prospection de sites avec les agents du CDM en avril 2019, 3 sites ont été retenus : Moya, N’gouja et la vasière des Badamiers. La pose des balises seront posées sur deux de ces trois sites, en l’occurrence N’gouja au sud-ouest de l’île et vasière des Badamier sur Petite Terre au nord-est.

Les expériences des 5 agents du CDM, par leur connaissance des sites, ainsi que pour la capture dans l’eau, les manipulations et les poses de balises devraient permettre un bon déroulement des opérations et la reconduction de ce dispositif afin d’obtenir des données sur un long terme et un suivi d’éventuels déplacement entre les sites.

Cette expérimentation régionale est d’autant plus intéressante car il est déjà arrivé qu’une tortue baguée E1512 en phase d’alimentation aux Seychelles a été relue en phase de ponte à Moya en 2004, 2007,2010 et 2016.