OSIRIS II Mission18 et la recherche sur les larves de poisson
Par Akihiro Shiroza
J'ai eu l'occasion de suivre l'échantillonnage du canal du Mozambique à bord de l'Osiris II, un navire de surveillance des pêches par la Direction de la Mer Sud Océan Indien stationné à La Réunion. L'objectif principal de la mission du 5 au 26 janvier 2024, était la surveillance et le contrôle des pêches dans les eaux sous juridiction françaises entre l'île de La Réunion et le canal du Mozambique. Le patrouilleur des affaires maritimes OSIRIS II embarque notamment deux contrôleurs des pêches qui peuvent mener des inspections à bord des navires de pêche français ou des navires qui se trouvent dans nos zones économiques exclusives. La police des pêches permet de préserver la biodiversité marine, l'économie des pêches régulière, la souveraineté alimentaire des Etats côtiers ou encore les conditions de travail des marins embarqués.
Thonier senneur en activité
C'est la deuxième fois que je me rends dans le canal du Mozambique dans le cadre de la mission Osiris II, pour y prélever des échantillons de manière opportuniste. D'après les résultats de la mission précédente, le canal du Mozambique pourrait être une importante zone de reproduction et de nourricerie pour l'espèce de Marlin de l'Indo-Pacifique, en raison des caractéristiques océanographiques physiques uniques créées par les forts courants liés aux masses terrestres à l'ouest et à l'est (la côte du Mozambique et Madagascar, respectivement). Le ruissellement des nutriments provenant des panaches fluviaux de ces masses terrestres et le fort mélange causé par les courants remontent des eaux plus profondes riches en nutriments. Cela crée une efflorescence de plancton, qui devient une source de nourriture vitale pour les larves de marlins, qui se nourrissent avec voracité.
La carte ci-dessus (https://www.earth.nullschool.net) montre que le courant est relativement plus fort (teinte plus chaude, forte, teinte plus froide, faible) dans le canal du Mozambique que dans l'océan Indien adjacent.
Bien que les marlins aient une valeur socio-économique dans la région du sud-oest océan indien, leur cycle de vie n'est pas encore entièrement compris, principalement en raison de leur comportement trans-global et hautement migratoire, et aussi parce qu'il n'y a pas de pêcheries commerciales majeures sur les marlins. Les recherches sur la pêche menées par les scientifiques japonais dans les années 60 et 70 ont révélé l'existence de frayères dans l'est de l'océan Indien et dans le Pacifique, mais il n'existe aucune donnée scientifique sur la reproduction du marlin dans cette partie du sud-ouest de l'océan Indien et dans le canal du Mozambique, jusqu'à ce que nous la découvrions en 2023.
L'une des raisons de l'insuffisance des recherches dans cette région est l'éloignement des pays plus développés économiquement, et donc le manque de navires capables d'opérer pendant de longues périodes. La plupart des navires disponibles sont de petites flottes de pêche qui sont trop petites et inadaptées pour des voyages de plusieurs semaines ou qui ne sont pas équipées de matériel permettant de déployer et de récupérer des équipements scientifiques. Parfois, un navire de recherche entièrement équipé, comme le Marion Dufresne de l'Ifremer, s'arrête, mais il n'est généralement pas disponible et il est trop grand, ce qui fait que le coût journalier soit élevé. Le coût de la recherche en mer est un autre obstacle, en particulier dans l'époque actuelle où le prix du carburant est élevé. Par conséquent, l'échantillonnage opportuniste fournit toujours des données préliminaires très précieuses pour nos futurs projets, car il n'existe pas de données récentes sur le zooplancton dans la région.
Nous avons effectué un échantillonnage dans la ZEE française à partir de 13 autres stations (en jaune, les stations précédentes en noir).
Notre cadre bongo de 60 cm équipé de filets à mailles de 0,5 mm échantillonne la couche superficielle. À chaque station, un trait de surface et un autre trait échantillonnant jusqu'à 100 m ont été collectés pour la diversité générale de l'ichtyoplancton. Les larves de poisson ont des préférences en matière de profondeur. Les larves de marlin occupent principalement la couche de surface, mais la plupart des larves se trouvent dans la couche de mélange, au-dessus de la thermocline. Des échantillons de surface ont été triés à bord pour rechercher les larves de marlins.
Larves de Marlin bleu
Il y avait aussi des chercheurs de GLOBICE (ONG scientifique avant tout, Globice se dédie à la connaissance et à la conservation des cétacés de La Réunion et de l’océan Indien) qui surveillaient les mammifères marins et les oiseaux de mer par observation visuelle depuis le pont en effectuant également ces échantillonnages opportunistes mais très utiles. Cette mission a été une grande opportunité non seulement pour la science mais aussi pour le développement de collaborations. Nous sommes très reconnaissants à la DMSOI et à l'équipage du navire de nous avoir permis d'avancer dans la science des larves de poissons et nous attendons avec impatience le prochain voyage.